Un Égyptien m’a dit qu’il ne peut pas comprendre l’arabe des Algériens et des Marocains. Il affirme que cette difficulté peut s’expliquer par l’influence du français sur leur pays et leur langue. Êtes-vous d’accord avec cette explication ?Un Égyptien m’a dit qu’il ne peut pas comprendre l’arabe des Algériens et des Marocains. Il affirme que cette difficulté peut s’expliquer par l’influence du français sur leur pays et leur langue. Êtes-vous d’accord avec cette explication ?










 

« Ce n’est pas le français qui rend la darija incompréhensible, c’est l’absence d’habitude »

Un Égyptien affirme ne pas comprendre l’arabe marocain ou algérien et met la faute sur « l’influence du français ». Cette explication est tentante, mais elle est trompeuse. La barrière n’est ni phonétique, ni lexicale : elle est culturelle.

1. Le vrai problème : un déséquilibre d’exposition

Pendant plus de cinquante ans, les écrans arabes ont été envahis par l’égyptien : films, séries, chansons d’Oum Kalthoum à Amr Diab, feuilletons religieux et sitcoms diffusés sur les satellites Nilesat et ArabSat. Résultat : un Marocain ou un Algérien entend l’arabe égyptien tous les jours, sans l’avoir jamais étudié. Son oreille s’est habituée.
À l’inverse, les productions maghrébines (cinéma, séries, rap, chansons chaâbi ou raï) restent quasi absentes des écrans machrékiens. Quand elles y arrivent, on les sous-titre ou les redouble en syrien ou en égyptien « pour être sûr que tout le monde comprenne ». L’asymétrie est criante : l’Est parle à l’Ouest, l’Ouest écoute ; l’inverse est rare.

2. Le français, un bouc émissaire

Oui, la darija contient des mots français : tomobil (voiture), forcheta (fourchette), serbisa (service). Mais :
  • Ils restent minoritaires (souvent moins de 5 % du vocabulaire quotidien).
  • La structure grammaticale reste arabo-berbère : conjugaisons, pronoms, syntaxe inchangées.
  • Tous les dialectes arabes ont leurs emprunts : turc en Syrie, anglais dans le Golfe, berbère en Libye, copte en Haute-Égypte…
Les emprunts français ne sont donc pas l’obstacle ; ils sont juste plus visibles parce qu’ils pointent vers une histoire coloniale encore sensible.

3. Comprendre, c’est s’exposer

Un Libanais comprendra plus vite un Tunisien qu’un Saoudien, non pas grâce à une parenté linguistique magique, mais parce qu’il a grandi avec la chanteuse Latifa ou la série Choufli Hal. Le même phénomène se produit entre un Syrien et un Soudanais qui partagent les mêmes feuilletons turcs doublés en syrien.
L’incompréhension n’est donc pas une fatalité. Elle se résorbe dès qu’on crée des passerelles : radios maghrébines retransmises au Caire, séries syriennes diffusées à Casablanca, clips de rap algérien sur les chaînes libanaises. Quelques semaines d’écoute active suffisent pour que l’accent « impénétrable » devienne familier.

Conclusion : construire un espace d’écoute réciproque

Si l’on veut vraiment un espace arabe commun, il faut cesser de chercher une langue « plus pure » ou « plus compréhensible ». Il faut partager les écrans, les ondes, les playlists. Comprendre un dialecte, c’est une question de curiosité, de temps et de volonté — pas de supériorité linguistique. Le jour où un feuilleton marocain fera rire Le Caire comme Bab Al-Hara a fait rire Tanger, la barrière tombera d’elle-même.



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